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Ombre et lumière se partagent la vie de Robin Livio, faite de succès, de projets visionnaires, mais aussi de longues périodes de doute, d’échecs, et de vaches maigres. De son vrai nom Ruben Levy, né en 1917 en Roumanie, au bord du Danube, dans une famille juive non pratiquante, il n’aura de cesse de revendiquer l’héritage de la mittel europa tout en restant profondément ancré dans la culture occidentale. Nourrisson chétif, né prématurément au cœur de l’hiver, il est sauvé par sa mère qui le lange dans du coton. Enfant précoce, brillant, il maîtrise le Roumain, le Ladino qu’il parle avec ses parents, mais aussi le Français, couramment parlé parmi la bourgeoisie Roumaine de l’époque. Adolescent turbulent, peu conformiste, il se plie difficilement aux exigences d’une scolarité classique et devient assez largement autodidacte. Il se vieillit de cinq ans en empruntant les papiers d’identité de son frère aîné pour adhérer à la société des auteurs roumains, et, à vingt ans, écrit, dirige et joue dans la troupe du théâtre juif de Bucarest. Sa mise en scène du « Dibbuk », dans laquelle il interprète le principal personnage masculin, est saluée par la critique. Pendant la guerre, il échappe de justesse aux persécutions et à la « nuit de cristal » organisée par les nazis Roumains, mais est déporté en camp de travail, dont il est libéré par l’avance Russe. De retour à Bucarest après la prise du pouvoir par les communistes, il reprend ses activités de metteur en scène de théâtre et d'opérette. Il écrit et dirige une pièce surréaliste," patapouf", proche du courant" absurde", où s'illustrera Ionesco. Mis à l’index pour ses opinions dissidentes et en passe d'être arrêté, il est prévenu à temps par un ami et s'enfuit de nuit, avec pour tout viatique les vêtements qu’il porte sur le dos. Traversant l’Europe exsangue à pied, franchissant les frontières de façon rocambolesque, il arrive en France. Parlant un Français parfait et plusieurs langues d’Europe de l’est, il gagne son ticket d’entrée en servant d’interprète dans les camps de personnes déplacées, où les autorités militaires et civiles cherchent à débusquer les criminels de guerre et les espions communistes. Suivent cinq années difficiles, où il pratique le journalisme à Franc-Tireur puis à Oise-Matin. Il fait quelques apparitions sur les scènes de théâtre et au cinéma, notamment dans le film de Jean Louis Barrault « d’homme à hommes », il écrit des chansons, se lie avec Renée Lebas, dirige une revue humoristique, « l’Optimiste », qui ne vivra que quatre numéros, …. toujours limité dans sa carrière par son passeport Roumain. En 1951, il rencontre Yvonne, qu’il épouse en 1953. Une série d’émissions sur Paris Inter « Parisien d’où viens –tu, », l’introduit dans le milieu cosmopolite des artistes et des intellectuels de l’après guerre, …. . La vie est devenue un peu plus facile : il traduit de nombreux ouvrages, travaille pour Cinémonde, écrit ou réécrit plusieurs ouvrages sur ce que l’on n’appelait pas encore « les nouvelles technologies » (espace, chimie), et déjà, dénonce les sursauts de « la bête immonde dont le ventre est encore fécond », dans des pamphlets contre le salazarisme et les mouvements néonazis ("Le feu mal éteint", publié sous un nom d’emprunt, qui sera interdit par la censure). En 57, il publie son premier roman, « La terre est un gâteau » qui lui vaudra un succès critique et public, et sera traduit en Italien. Puis il traduit coup sur coup "The last grain race" d'Eric Newby, qui devient en français "Bourlingueur des mers du sud", préfacé par Blaise Cendrars, et les poèmes de Gian Pero Bona, sous le titre "Les jours déçus". Suivront dix années fastes, comme écrivain et directeur de collection, aux Éditions du Pont Royal, avec Robert Laffont, pour qui il lance la collection « en mille images », dont il écrit plusieurs ouvrages : un concept en avance sur son temps puisqu’il mêlait intimement le texte à l’iconographie. Il en profite pour développer ses idées humanistes, pro-européennes, insistant sur les multiples sources de peuplement de la France et sur la richesse du creuset cosmopolite qui donne naissance aux nations mais aussi pour revenir sur les racines du mal du vingtième siècle : le racisme, la haine de l’homme par l’homme et son cortège de massacres et de persécutions. En 1966, il est naturalisé Français. Intellectuel de gauche, comme on disait alors, il se rapproche des socialistes sans jamais adhérer au parti. Mai 68 le verra se mobiliser auprès d’une jeunesse dont il envie l’enthousiasme, participant à des débats philosophiques ou littéraires comme il en naissait alors dans tous les cafés de la rive gauche. Mais il garde ses distances vis-à-vis des idéologies, soucieux de sa liberté, et son engagement politique reste celui d’un citoyen du monde : ne jamais taire une vérité, fût elle douloureuse à dire, contraire à l’opinion dominante, ou « politiquement incorrecte », comme on le dirait aujourd’hui. A la fin de cette période, il va s’intéresser à nouveau au cinéma : il lance une collection de petit format, à petit prix, qui se veut elle aussi enrichie d’une iconographie abondante, et, c’est nouveau pour l’époque, en couleurs : ce sont les « Étoiles », dont, là encore, il écrit plusieurs titres dont le « Greta Garbo » qui lui vaudra plusieurs passages à la télévision. Malheureusement, les prix de revient d’alors ne permettent pas de faire les ouvrages bon marché dont il rêve, et, à force de rogner sur la qualité, la collection peine à trouver son public et s’interrompt au dixième titre. Robin Livio reviendra au cinéma par la suite, comme assistant de Maurice Bessy au festival de Cannes en 73 et 74, où il édite une version quotidienne du « Film Français », et pour des activités alimentaires de sous-titrage de films et de dessins animés. . Il se tourne alors à nouveau vers le journalisme, et participe à l’aventure de « Combat », qui malheureusement sera sans lendemain, le titre disparaissant avec la faillite du journal. Dans le même temps, il continue son travail d’écrivain: sa pièce « Le Cœur Buissonnier » reçoit en 73 le prix de la société des auteurs, et son manuscrit, « Un Doute Subsiste », se voit accepté en première lecture, puis finalement refusé par deux grands éditeurs. Les vingt dernières années de sa vie resteront marquées par cet échec. Considéré comme trop âgé par beaucoup, en cette fin de siècle éprise de jeunisme, Robin Livio n’en continue pas moins à soumettre, aux uns et aux autres, des idées de livres, de collections, d’émissions de télévision. Il imagine une galerie de portraits filmés des cinéastes du vingtième siècle, et tourne le premier opus avec Claude Autant-Lara. L’émission sera diffusée sur la troisième chaîne mais le projet n’aura pas de suite. Sans amertume mais avec lucidité, Robin Livio considère alors qu’il ne crée plus que pour satisfaire sa propre soif d’écrire. « les bagatelles difficiles », sont tout sauf le propos désabusé d’un misanthrope : condensé dans l’expression, le texte prend tout son sens quand on réalise qu’il est écrit par un homme qui se sait malade, mais qui ne désespère pas de la vie, ni des hommes, quoiqu’il ait vu et vécu… Il s’éteint dans son sommeil en septembre 1996. Sur son bureau, la liste des expositions qu’il comptait visiter dans les semaines à venir, et celle des livres qu’il désirait lire. Cette soif de culture qui était sa vie ne l’a jamais quitté.
Sa collection photographique considérable témoigne de ses centres d'intérêts successifs. Ce fond, dans lequel il puisait pour illustrer ses livres alimente ce site. Destiné aux chercheurs et aux particuliers, il aborde tous les thèmes de prédilection de Robin Livio. La guerre du Pacifique, un ouvrage qui ne vit pas le jour, en est le premier chapitre, le cinéma et ses grandes figures suivent, à commencer par Greta Garbo, Alain Delon, Gérard Philipe, Humphrey Bogart, puis Michèle Morgan et Louis de Funes.
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